« Nous voulons être leader sur ces deux technologies »

Michael Traub dans l’atelier de montage du site de l’usine 2 de Waiblingen.
Michael Traub dans l’atelier de montage du site de l’usine 2 de Waiblingen.

Michael Traub est le président du Comité directeur de STIHL depuis près de deux ans. Dans son entretien avec « Blick ins Werk », il aborde l’évolution actuelle des activités de l’entreprise et la stratégie adéquate pour relever les défis à venir à l’occasion d’une visite du site de l’usine 2 de Waiblingen. Il met l’accent sur le passage à la batterie et sur le leadership technologique dans les produits thermiques et à batterie.

Comment allez-vous deux ans après votre retour en Allemagne ?

MICHAEL TRAUB : Je me sens très bien en Allemagne, en particulier dans notre entreprise familiale ouverte sur le monde. Je tiens à remercier tous les collègues pour leur accueil chaleureux et leur soutien général et constructif.

Vous avez vécu 20 ans à l’étranger avant d’arriver chez STIHL. Qu’est-ce qui a changé en Allemagne selon vous ?

MICHAEL TRAUB : Je considère que les personnes qui travaillent en Allemagne sont toujours pragmatiques, rigoureuses et attachées aux valeurs. C’est un pays très agréable à vivre, avec des personnes sages et motivées. La société est également diverse et multiculturelle. Pour permettre de maintenir le niveau de vie, j’aimerais que le pays soit plus ouvert au changement et plus audacieux dans certains domaines. La bureaucratie est parfois pesante. Malheureusement, les appels à la simplification de la bureaucratie sont rarement entendus.

Vous vous êtes rendu dans de nombreux sites STIHL en Allemagne et à l’étranger, où vous avez rencontré des collaborateurs, des revendeurs spécialisés et des partenaires commerciaux. Qu’avez-vous remarqué ? Que représente cette entreprise ?

MICHAEL TRAUB : Notre entreprise a une vision à long terme grâce à nos actionnaires engagés, qui réinvestissent la majeure partie de leurs dividendes. L’humain est au cœur de nos préoccupations. Les collaboratrices et collaborateurs ont l’esprit STIHL, s’identifient fortement à l’entreprise et sont très motivés et impliqués. Je remercie nos collaboratrices et collaborateurs dans le monde entier pour leur engagement dans notre entreprise familiale. Vous êtes le principal facteur de notre succès. Notre clientèle fait confiance à notre marque, et apprécie la qualité élevée de nos produits.

... des produits thermiques et à batterie ?

MICHAEL TRAUB : La qualité de nos produits thermiques est connue dans le monde entier. Elle est presque légendaire. Nous sommes également leaders sur les produits professionnels à batterie. Mais devons encore forger notre leadership technologique et notre notoriété auprès des particuliers. La transformation du thermique à la batterie est en cours. Nous devons renforcer la volonté de changement au sein de l’entreprise et accélérer les choses. Nous en « avons beaucoup sous le pied », et devons nous concentrer encore plus sur les batteries.

Le passage à la batterie est notre priorité absolue, et l’objectif qui en découle est de devenir un fournisseur leader de solutions à batteries aux yeux de nos clientes et de nos clients.
Michael Traub, président du Comité directeur de STIHL
Michael Traub, Président du Comité directeur de STIHL

Quelle est l’évolution actuelle de l’activité chez STIHL ?

MICHAEL TRAUB : Les années de très forte croissance sont passées. En 2023, nos chiffres de ventes et de production sont nettement inférieurs à ceux de l’année précédente et à nos objectifs. Cela concerne à la fois la maison mère et l’ensemble du groupe. Notre chiffre d’affaires a également diminué. Nous avons donc réduit les coûts en cours d’année afin de stabiliser notre résultat. Nous avons par ailleurs dû ralentir nos programmes de production et prendre des mesures d’ajustement des effectifs sur tous nos sites, mais de manière équilibrée et mesurée. Notre objectif est de renforcer la compétitivité de l’entreprise afin de garantir l’emploi à long terme.

Pouvez-vous nous en dire plus ? Où nous situons-nous par rapport à la concurrence dans notre secteur ?

MICHAEL TRAUB : L’évolution actuelle est typique de notre secteur Outdoor Power Equipment, c’est-à-dire le segment des équipements forestiers, de jardinage et de construction. Les concurrents, qui ont connu une croissance encore plus forte que la nôtre ces dernières années, connaissent un fort recul actuellement. Et certains points sont à noter : Nous avons connu une croissance de près de 10 % ces trois dernières années. Nous sommes passés de 3,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2019 à 5,5 milliards en 2022. Mais les temps de forte croissance liée à la pandémie de coronavirus, quand on devait rester chez soi et investir dans la maison et le jardin, sont révolus. Aujourd’hui, les personnes dépensent à nouveau leur argent dans des voyages et au restaurant. De plus, nos vies sont influencées par les crises mondiales et par de nouvelles guerres. Les prix élevés de l’énergie, le ralentissement général de l’activité et l’inflation élevée ont un impact négatif sur nos ventes. Je suis convaincu que nous sommes dans une phase provisoire de consolidation des marchés.

Ce problème ne serait donc que temporaire ?

MICHAEL TRAUB : Nous prenons les choses très au sérieux. Le problème pourrait devenir permanent si nous nous laissons porter et ne prenons pas de mesures appropriées. Mais le Comité directeur a convenu très tôt, et en étroite collaboration avec la famille Stihl, de prendre des mesures appropriées dans les activités opérationnelles afin de garantir l’avenir de l’entreprise en cette période difficile. C’est la mission de la direction de l’entreprise. Je pense que la faiblesse conjoncturelle ne sera pas terminée en début d’année prochaine. Par conséquent, nous devrons peut-être encore adapter notre programme de production, tant au sein de la maison mère que de l’ensemble du groupe STIHL.

Michael Traub

Nous avons connu des difficultés de livraisons pendant la pandémie. Nos clientes et nos clients ont parfois dû attendre longtemps les produits commandés. La situation s’est-elle améliorée ?

MICHAEL TRAUB : La production, la gestion des matériaux et la logistique ont parfaitement collaboré et traité les retards, et nous pouvons à nouveau livrer presque tous les produits aux revendeurs spécialisés dans les délais prévus. Les revendeurs spécialisés ont constitué des stocks importants, qu’ils doivent maintenant écouler. C’est l’une des raisons du ralentissement de leurs commandes. Ce n’est que lorsque les distributeurs commenceront à voir leurs stocks diminuer que nos ventes augmenteront à nouveau.

Et quand augmenteront-elles à nouveau ? Quelles sont vos prévisions ?

MICHAEL TRAUB : Je prévois une amélioration durable au plus tôt au deuxième semestre de l’année prochaine. La maison mère et le groupe cherchent à optimiser le niveau et la structure de nos propres stocks, car nos stocks importants immobilisent énormément de capital. Cela coûte beaucoup d’argent et nous voulons beaucoup progresser dans ce domaine.

Outre ces tâches opérationnelles, quels sont les grands défis à relever pour STIHL ? Quelle est notre priorité ?

MICHAEL TRAUB : Le monde qui nous entoure est de plus en plus instable, et change de plus en plus vite. Cela concerne nos marchés, nos produits, notre clientèle, nos concurrents, nos fournisseurs, etc. Nous devons avant tout trouver une réponse à la baisse des ventes de produits thermiques et tenir compte de l’importance croissante de la technologie des batteries. La concurrence est nettement plus forte sur le segment des batteries que sur le thermique. Le passage à la batterie est notre priorité absolue, et l’objectif qui en découle est de devenir un fournisseur leader de systèmes de batteries aux yeux de notre clientèle, plus précisément sur le segment Outdoor Power Equipment (équipements électriques à batterie) pour les professionnels et les particuliers.

Quelle est la stratégie de STIHL pour atteindre ces objectifs ?

MICHAEL TRAUB : Nous visons une position de leader technologique pour les produits thermiques comme pour ceux à batterie. Nous allons devoir investir beaucoup plus dans la technologie des batteries, que ce soit dans les personnes, les machines, les marchés ou la technologie en elle-même. Nous avons ainsi mis en place notre stratégie « Battery First ». Cela signifie que nous orientons nos activités et nos ressources en priorité sur la technologie des batteries. Nous voulons tripler notre chiffre d’affaires sur les batteries en 2028 par rapport à l’année 2022. Nous avons lancé pour cela une série de mesures que nous regroupons dans le champ d’action stratégique « Battery Transformation Program ».

Et comment utilisons-nous nos autres secteurs d’activité ?

MICHAEL TRAUB : Notre stratégie ne peut réussir que si nous exploitons pleinement le potentiel de tous les secteurs d’activité. Dans le secteur des produits thermiques, nous resterons le leader technologique des applications à hautes performances. Parallèlement, nous allons amortir le remplacement progressif des ventes d’appareils thermiques par des appareils à batterie dans les pays développés par la croissance dans les marchés émergents. Dans l’activité après-vente, l’accent est mis sur la pénétration des marchés existants et sur le développement de l’activité pièces et services. La rentabilité de ces deux segments constitue la base de notre passage à la technologie des batteries.

Michael Traub dans le centre de développement de Waiblingen.
Michael Traub dans le centre de développement de Waiblingen.

Il s’agit de projets très importants. Pouvons-nous y parvenir avec l’organisation actuelle de l’entreprise, ou avons-nous besoin de nouvelles structures et de nouveaux processus ? Et quel est le rôle de la maison mère ?

MICHAEL TRAUB : Le site allemand joue un rôle central. C’est ici que se trouve le siège du groupe. Les principales mesures stratégiques et opérationnelles sont préparées et décidées à Waiblingen. Mais nous savons aussi que nous ne pouvons pas relever les défis de l’avenir depuis l’Allemagne uniquement, bien au contraire. Ce n’est qu’en mobilisant notre réseau mondial et en tant qu’équipe internationale STIHL que nous réussirons. Nous voulons donc renouveler et renforcer la collaboration avec nos sociétés affiliées. Nous cherchons à y parvenir dans le cadre de MOVE, avec une nouvelle structure organisationnelle et une gestion d’entreprise cohérente à l’échelle mondiale. Des structures et des formes de collaboration claires sont définies pour les différentes fonctions de l’entreprise, telles que la vente, le marketing, les achats ou le personnel. Il est également possible de regrouper des forces dans le monde entier au sein des centres régionaux de nos sociétés affiliées. Cela nous permettra de mieux nous coordonner et de nous aider mutuellement à progresser. Ensemble, nous utiliserons l’énergie mobilisée pour proposer à notre clientèle des produits et des solutions encore plus performants.

Vous dites que la maison mère joue un rôle central. Cela concerne-t-il aussi la fabrication ?

MICHAEL TRAUB : Cela concerne également la fabrication tant que le site allemand est compétitif. Mais notre compétitivité diminue constamment en Allemagne. Les prix élevés de l’énergie, la grave pénurie de main-d’œuvre qualifiée, la bureaucratie excessive, les coûts salariaux élevés et les charges fiscales supérieures à la moyenne internationale rendent l’Allemagne de moins en moins attractive pour les entreprises. Nous allons tout de même investir à Waiblingen, notamment dans la fabrication interne de moteurs EC pour nos appareils professionnels à batterie. Cela s’explique avant tout par les liens profonds de la famille Stihl avec cette région. Par ailleurs, la proximité de notre développement constitue un atout pour cette technologie innovante. Mais pour que les entreprises familiales continuent à investir en Allemagne, l’activité économique doit devenir à nouveau plus rentable. Malheureusement, je n’ai pas l’impression que l’on en prenne le chemin.

Qu’est-ce qui vous donne cette impression ?

MICHAEL TRAUB : L’Allemagne connaît d’énormes problèmes d’implantation, et le pays est en récession. Les investissements directs des entreprises étrangères sont au plus bas. Et malgré cette situation, on débat actuellement de la semaine de quatre jours de travail avec maintien complet du salaire. C’est totalement irréaliste. Cela renforcerait encore la délocalisation de la création de valeur et des emplois de l’Allemagne vers l’étranger. Personne ne peut y être favorable. Plutôt que de parler de la réduction du temps de travail, nous devrions chercher des moyens de renforcer la flexibilité dans le monde du travail.

Oublions la politique pour en revenir à STIHL. Quels sont vos projets pour l’entreprise en 2024 ?

MICHAEL TRAUB : Le Comité directeur va renforcer la mise en œuvre de nos projets et mesures stratégiques l’année prochaine. Au sein du groupe, nous commençons par développer nos structures organisationnelles et nos processus mondiaux pour les fonctions importantes de l’entreprise. Je tiens d’ailleurs à citer ONE STIHL, l’un des principaux champs d’action stratégiques du groupe STIHL. 25 sociétés de distribution STIHL et une société de production ont déjà adopté le nouvel environnement de processus et de systèmes S/4HANA. Son déploiement est par ailleurs en cours dans trois autres sociétés de distribution et deux sociétés de production. Les préparatifs pour ONE STIHL tournent déjà à plein régime au siège social et au Brésil. Je demande à l’ensemble des collaboratrices et collaborateurs concernés de nous soutenir dans ce projet.

Pouvez-vous nous indiquer quels sont vos projets personnels pour l’année prochaine ?

MICHAEL TRAUB : Je suis emballé par le système de leasing de vélos électriques STIHL. J’ai moi-même choisi un vélo électrique équipé du moteur Performance de Bosch. L’année prochaine, j’irai travailler à vélo. Et ma femme et moi partirons explorer la région à vélo pendant les week-ends. Il reste tant de choses à découvrir...

Merci beaucoup pour cet entretien monsieur Traub.

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